Comme chaque mois, je siégeais avec mes collègues pour une session plénière à Strasbourg. Retour sur les textes et moments importants de cette plénière.

Séismes en Turquie et en Syrie : une nouvelle catastrophe naturelle et humanitaire
Le 6 février dernier, la Turquie et la Syrie ont été touchées par deux séismes d’une violence extrême, qui aurait fait, à l’heure où l’on parle, plus de 47000 victimes, bilan qui pourrait encore s’alourdir après les deux nouveaux tremblements de terre du 20 février. Les deux pays, déjà fortement impacté par les guerres, les tensions géopolitiques de la région et les crises économiques, subissent avec ces événements une nouvelle tragédie, une nouvelle catastrophe climatique.
Si la réponse de la communauté internationale a été immédiate, avec des appels aux dons, des envois de matériels médicaux et de personnels humanitaires, l’action reste cependant limitée dans certaines régions. C’est notamment le cas dans certaines régions de Syrie. En cause, la fermeture des couloirs humanitaires, conséquences de la guerre menée par le régime de Bachar Al Assad. Le gouvernement syrien, lui, a fait le choix de mettre en place de l’aide, mais uniquement dans les zones qu’il contrôle. Résultats : de nombreux Syriens et Kurdes sont privés d’aide humanitaire, et la crise alimentaire risque de s’aggraver. Le SEAE, en collaboration avec les institutions internationales, doit faire un pas pour rouvrir les couloirs humanitaires, et apporter toute l’aide humanitaire pour faire face à une telle catastrophe. Il est intolérable pour l’Union européenne d’accepter cela, il en va de notre devoir d’humanité. Ce triste événement soulève également des questions philosophiques et politiques profondes. Comme le disent de nombreux scientifiques, le monde va connaître une multiplication des catastrophes climatiques de ce type dans les années à venir si les gouvernements ne prennent pas des mesures drastiques pour enrayer le changement climatique. Et avec elles, des milliers voire des centaines de milliers de personnes vont être amenées à se déplacer pour fuir les zones les plus instables pour se protéger, et se nourrir. Pourtant, toutes les conventions internationales ne couvrent pas encore la question des déplacés climatiques, notamment la Convention de Genève, et aucune protection ne leur sera offerte. Il est grand temps que nous prenions nos responsabilités pour offrir une réelle convention internationale pour les réfugiés climatiques, afin d’offrir une garantie à ces personnes, qui non seulement auront dû quitter leur maison, mais en plus se trouveront dans une situation plus que vulnérable à leur arrivée dans un pays tiers. L’Union européenne ne peut plus fermer les yeux, elle doit regarder la vérité en face et faire preuve d’humanité.
Adhésion Convention d’Istanbul : pour le respect des droits fondamentaux des femmes
La Convention d’Istanbul, traité en 2014, est l’un des textes les plus protecteurs des droits des femmes au monde, et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle reconnaît en effet toutes les violences à l’égard des femmes comme la violation des droits fondamentaux. Surtout, elle propose toute une série de mesures afin de prévenir les violences, protéger les victimes mais aussi poursuivre les auteurs. Ce texte a été signé par tous les Etats membres, et ratifié par 21 d’entre eux. Mais, depuis 2017, le processus d’adhésion de l’Union européenne est bloqué au Conseil. Un risque pour la protection des femmes, puisqu’encore quelques Etats membres ne l’ont pas ratifié (la Bulgarie, la République Tchéque, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, et la Slovaquie), et la Pologne a annoncé en 2020 son attention de se retirer de la Convention.
Depuis 2017, le Parlement européen a, à plusieurs reprises, demandé au Conseil d'accélérer le processus d’adhésion. Une fois de plus, il a envoyé un signal fort, en sa faveur. Une demande appuyée par la décision de la Cour européenne qui laisse un délai supplémentaire pour l’adhésion de l’Union européenne, et rappelle que la nouvelle proposition de la Commission relative à la lutte contre les violences faites aux femmes ne doit pas se substituer à cette convention, mais la compléter.
L’Union européenne doit absolument prendre des actions concrètes pour lutter contre les violences faites aux femmes, et non plus de faire des effets d’annonce. Nous n’avons plus le temps. Nous ne voulons plus compter nos mortes.
Pour une nouvelle stratégie industrielle de l'Union pour stimuler la compétitivité industrielle, les échanges commerciaux et la création d'emplois de qualité
En août dernier, le président Joe Biden a annoncé la mise en place d’une loi sur la réduction de l’inflation de 2022, ou Inflation Reduction Act (IRA), visant, comme son nom l’indique, à contrer l’inflation aux Etats-Unis. Cette loi est en fait un “paquet”, regroupant des mesures nombreuses sur de nombreux volets de la politique économique américaine, dont notamment la réduction du déficit par la baisse du prix des médicaments, l’instauration de l’imposition à 15% pour les entreprises, ou encore l’augmentation des taxes. Si ces dernières mesures sont très encourageantes, surtout quand nous savons que la société américaine est l’une des plus inégalitaires du monde, l’Union européenne, elle, s’inquiète. En effet, cet Act prévoit le déblocage de plusieurs milliards de dollars de subventions et avantages fiscaux, pour les entreprises favorisant l’émergence d’une industrie verte, notamment dans les énergies propres et les voitures électriques. Ce plan vise donc principalement à réindustrialiser les Etats-Unis. Et si l’Union européenne s’inquiète, c’est que c’est un nouveau pas vers un protectionnisme américain, qui lui sera défavorable. Même si les Etats-Unis n’ont jamais cessé de protéger leur économie, comme d’ailleurs tous les autres pays du monde, contrairement à l’Union européenne, ces mesures pourraient avoir de plus gros impacts sur l’économie européenne. Avec cette nouvelle loi, si un consommateur américain a le choix entre deux modèles de véhicules électriques au même prix, il sera plus intéressant d’acheter une voiture américaine de la marque Tesla pour bénéficier d'un avantage fiscal, plutôt que de choisir un modèle européen tel qu’une BMW pour laquelle il n’y aura aucun crédit d’impôt. Cela va donc léser les entreprises européennes.
Depuis ses annonces, l’Union européenne semble découvrir l’existence du protectionnisme américain, et essaie tant bien que mal de répondre. Pour éviter d’être, une nouvelle fois, en retard, la Commission a proposé un nouveau plan de réindustrialisation basé sur 4 piliers, d’ailleurs fortement soutenu par la France : décarbonnisation de l’industrie, mise en place d’un fond de souveraineté et un assouplissement temporaire des aides d’Etats, un plan de développement des compétences et l’accélération des signatures d’accords de libre-échange. En réponse, le Parlement européen a voté une résolution d’actualité, pour laquelle j’ai voté en faveur, afin de proposer sa vision. Cette résolution est plutôt ambitieuse, même si elle aurait pu aller plus loin. En effet, il propose la mise en place d’un vaste plan industriel qui "veille à ce que les emplois restent en Europe", et assortie à la création d’emplois de qualité. Elle propose également la création d’un fond de souveraineté européen, auquel les entreprises européennes pourraient faire appel si, et seulement si, elles répondent à des exigences en matières sociales et environnementales.
Seulement, le Parlement européen continue sa fuite en avant en soutenant la signature de toujours plus d’accords de libre échange, comme le MERCOSUR, avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie, qui ont pourtant des conséquences sociales et environnementales majeures. Si les Etats-Unis l’ont compris, il est grand temps que l’Union européenne prenne conscience qu’il faut protéger son industrie, ses emplois, pour mieux protéger l’environnement et les gens. Et ce ne sera certainement pas en signant des accords de libre échange à tout-va qui n’amènent que de la concurrence déloyale et qui détruisent la planète. Europe first !